Le risque volcanique au Nicaragua : le cas du volcan Masaya. Etude couplée de l’aléa, de l’impact biologique et de la capacité de résilience des écosystèmes et des populations
Masaya
Situé en Amérique Centrale dans le sud de l’isthme, le Nicaragua est l’un des pays les plus pauvres du continent américain mais également un de ceux qui présentent des indicateurs politiques et socio-économiques qui témoignent d’un assez fort potentiel de croissance et de développement. Dans un contexte politique et social apaisé, le Nicaragua permet donc aujourd’hui d’envisager sereinement des projets d’investissements socio-économiques, culturels et/ou scientifiques à court-, moyen- et long-terme.
De par sa situation géographique, le Nicaragua est en permanence soumis à des risques climatiques majeurs (pluies saisonnières intenses alternant avec des phases de sécheresse prononcées, ouragans…) qui le rendent particulièrement vulnérable. L’indice de risque climatique place d’ailleurs le Nicaragua comme étant le quatrième pays potentiellement le plus touché à l’échelle du globe par les effets du changement climatique. De par sa situation tectonique, le Nicaragua doit également faire face à des risques telluriques susceptibles de frapper le pays dans son effort de développement, que ce soit le risque sismique (1931, 1972 : destruction à 90% de la capitale Managua, 40000 victimes et 300000 réfugiés déplacés) ou le risque volcanique avec sept volcans actifs recensés sur sa marge pacifique. Cinq centres éruptifs ou potentiellement éruptifs sont situés dans un rayon inférieur à 30 kilomètres maximum de la capitale et peuvent potentiellement impacter toute cette région du Nicaragua qui comprend notamment les districts de Managua, Leon, Masaya et Granada. Cette grande province de Managua s.l. concentre en 2017 presque la moitié de la population (2.8M d’habitants cumulés) ainsi que l’essentiel si ce n’est la totalité des institutions politiques, sociales et culturelles, des industries, des secteurs économiques secondaires et tertiaires, et des infrastructures principales du pays (par ex., aéroport Augusto César Sandino). A ce titre, Managua apparait comme la ville au monde la plus exposée aux retombées de cendres en termes de pertes économiques rapportées au PIB (données Swiss Re 2017).
Le choix du Masaya, un volcan laboratoire et une cible prioritaire
Outre la connaissance accrue de ce volcan d’ores et déjà acquise par certains membres de l’équipe, le choix naturel du Masaya comme cible d’étude prioritaire pour l’initiation de ce chantier Nicaragua dans le cadre de CAP 20-25 répond à plusieurs logiques. Volcan le plus actif à ce jour du Nicaragua, le Masaya est aujourd’hui caractérisé par une activité permanente depuis plus de 30 ans, alternant des phases de dégazage passif, des phases à lac de lave caractérisées par un dégazage soutenu, et quelques épisodes explosifs stromboliens. Pour autant, depuis la formation de la caldeira du Masaya il y a environ 6000 ans (Pérez et Freund, 2006), le volcan a connu au moins deux autres éruptions pliniennes majeures (Pérez et al., 2009) ; la construction du cône actif actuel est en outre une succession de phases de construction et de destruction violente, d’âges indéterminés, attestant que ce volcan peut connaitre des changements majeurs dans son dynamisme éruptif. Le volcan a été le siège de nombreuses études pétrochimiques (par ex., Walker et al., 1993 ; Zurek et al., soumis), géophysiques (par ex., Métaxian et al., 1997), ou plus récemment sur la géochimie de la phase gazeuse éruptive (par ex., Duffell et al., 2003 ; Moune et al., 2010) qui permettent une bonne compréhension globale du système volcanique même si elle doit être raffinée dans le détail. Sa zone sommitale étant facilement accessible en voiture, il est aisé de déployer un réseau de surveillance d’envergure alliant plusieurs indicateurs géophysiques et géochimiques. Par ailleurs, le volcan Masaya est situé au coeur de la zone la plus densément peuplée du Nicaragua qui est également la plus vulnérable sur le plan socio-économique comme il l’a été rappelé en préambule. Même en dehors de toute éruption explosive catastrophique, la bordure ouest de la caldera, sous le vent dominant, est particulièrement exposée aux retombées du panache gazeux et souffre d’une acidification des sols sous l’effet des gaz volcaniques qui a conduit à une dévégétalisation dramatique dans certains secteurs du plateau de Las Sierras (Delmelle et al., 2002). Enfin, le Masaya est le volcan « phare » du Nicaragua et le Parc National qui y a été créé est un centre d’intérêt majeur, aussi bien pour les touristes que pour les locaux qui s’y rendent en nombre quotidiennement.
Dans ce contexte particulièrement favorable, la réalisation de ce projet au sein du chantier émergent Nicaragua permettra de couvrir l’ensemble des volets que nous avions identifiés comme rouages essentiels de l’architecture d’un programme ambitieux dédié à l’analyse et à la réduction des risques en partant de la caractérisation de l’aléa volcanique, à savoir :
- l’observation multi-méthodes d’un volcan actif et la compréhension accrue des phénomènes physico-chimiques y opérant permettant l’élaboration de modèles opérationnels dans le cadre de systèmes d’alerte ;
- l’observation de phénomènes éruptifs, la quantification de leur magnitude et de leurs zones d’impacts en milieu densément habité afin de réduire les risques en résultant, dans le cadre d’une planification de l’espace et des sociétés ;
- la reconstitution fine de l’histoire éruptive du volcan qui permettra d’établir des lois de récurrence et des modèles probabilistes qui contribueront également à une meilleure planification de l’espace et des sociétés ;
- une communication visible et accessible auprès non seulement des populations locales (y compris scolaires) mais aussi des décideurs politiques dans un des hauts-lieux touristiques du pays.